Réjean Meloche

Garder l’oeil ouvert.

Recommandation tout à fait normale pour un photographe, direz-vous. En effet, il faut rester constamment à l’affût de la bonne photo lors de la couverture d’un événement. Ici, cependant, l’image intéressante se trouvait à l’extérieur du périmètre principal.

En début d’hiver 1974, je couvrais une conférence de presse dans les locaux d’une centrale syndicale, au 6e étage d’un édifice situé à l’angle des rue Saint-Denis et Sainte-Catherine à Montréal.

Pour une raison que j’ai oubliée (ça fait tout de même près de 40 ans de cela) l’événement tardait à commencer. C’est en regardant par la fenêtre pour tuer le temps que j’ai observé le terrain vague où était érigé quelques mois auparavant l’église Saint-Jacques. Les seuls éléments conservés du lieu saint étaient la façade sur la rue St-Denis et cette entrée du transept qui donne sur la rue Sainte-Catherine. Une chute de neige toute récente avait recouvert le terrain boueux et faisait ressortir cette magnifique pièce d’architecture. Les deux entrées furent par la suite intégrées à l’édifice de l’Université du Québec à Montréal. 

Impressionné par l’aspect global qu’offrait cette scène, j’ai même osé ouvrir une fenêtre du local, l’état de la vitre ne permettant pas une prise de vue de qualité à travers celle-ci. La réprobation de mes collègues des autres médias ne se fit pas attendre en cette saison hivernale. Je leur ai justifié mon geste de force majeure pour la réussite d’une bonne photo.

Je ne fus pas le seul à apprécier cette image. Elle m’a permis de remporter, quelques semaines plus tard, le Prix Lucien-Langlois (meilleure photo) décerné par la direction de mon journal de l’époque, le quotidien Montréal-Matin. 

Elle fut remise au goût du jour, il y a quelques mois, en étant choisie pour illustrer la page couverture de mon premier livre de photographies: Montréal. L’agitation tranquille.

Je répète donc le conseil mentionné en titre : il est recommandé de toujours garder l’oeil ouvert, non seulement dans le viseur de son appareil, mais tout autour de soi.